• Les interventions éducatives aux médias

    Je trouve important de dire en premier lieu que l’éducation aux médias n’est pas une activité à proprement parler. Il ne s’agit pas de faire faire, ou de faire avec, bien que le moment de la formation à la lecture du contenu médiatique s’inscrit dans la continuité de la relation éducative. Il s’agit bien de rendre actrice la personne âgée dans sa prise d’information et devant le contenu médiatique de toute sorte.

    J'ai choisi de découper l'intervention en trois étapes, qui reprennent trois des six axes du message médiatique élaborés par Jacques Piette 19.

    Les Outils : Lors de cette intervention, je favoriserai l’écrit (presse écrite) comme support de réflexion et l'oral comme cadre de l’échange et de l’interaction spontanée qui à mon sens favorisera le débat. Cela permettra aussi de révéler des stéréotypes, amalgames et assimilations inconscients diffusés et véhiculés dans les supports distribués aux participants.

    Le support écrit a pour avantage de favoriser une concentration et une abstraction plus aisée. En effet, les supports audiovisuels et radiophoniques présentent la limite d’être en continuel mouvement, ce qui incite le récepteur à se focaliser sur le contenu direct, rendant l’abstraction plus difficile. L’abstraction est un outil essentiel en éducation aux médias, pour permettre la distanciation face aux productions médiatiques. Cependant dans un soucis de rendre l'intervention la plus riche et complète possible, il peut être avantageux de se munir de plusieurs supports de médias d'information à titre d'exemple.

    L'Objectif : L’intervention aura pour objectif premier de susciter le questionnement, d’éveiller le doute, de stimuler une distanciation du contenu immédiat transmis par le média.

    Le Temps : Plusieurs séances (trois maximum), d’une heure au maximum, en vue de l’âge des participants et de leur capacité de concentration, se dérouleront sur plusieurs semaines, pour que la méthode d’éducation aux médias ait une meilleur assimilation, grâce à la prise de distance.

    Le Lieu : Les séances se dérouleront dans un lieu calme, où les personnes se sentent en confort et peuvent s’exprimer librement (cadre que doit favoriser l’éducateur).

    Les Effectifs : Un groupe de sept à dix personnes.

    Le Matériel : Pour ces séances, il est nécessaire de se munir de plusieurs journaux, magazines, ciseaux, tables, chaises, d'un local éclairé fourni d’équipements médiatiques (minimum un ordinateur avec une connexion internet, et un vidéoprojecteur). Il faut un panel très large de périodiques différents, nationaux, locaux, internationaux (varier les sources et les formats).

    L'Attitude : Accueillir les participants en leur expliquant brièvement l’atelier et les étapes ainsi que le but et l’intérêt. Il appartient à l’éducateur de motiver, de donner du sens à l’atelier, selon son style.

    L'Introduction : Questionner les participants sur leur consommation (télévision très présente en home, par exemple). Inviter à se questionner sur le sens des mots « média », « informations » ainsi que sur leur consommation des médiats d'information. Quel crédit accordent-ils aux médias ?

    L'Attention : Être conscient que l’éducation aux médias est une invitation à avoir une nouvelle approche, pratique du média ; il appartient à chacun d’adopter la pratique, l’approche, s’ils pensent que celle-ci est légitime.

    La pratique peut vite être ennuyante s’il la forme ne convient pas au groupe. Être vigilant à la dynamique de groupe. Veiller à écouter les besoins de chacun. Par exemple, si quelqu’un fatigue, l’inviter à aller se reposer. L’éducation aux médias est une démarche qui doit être volontaire.


    19 PIETTE, J. Éducation aux médias et fonction critique , Ed. l’harmattan, 1996, 357 p.

  • Étape 1 : On a toujours une émotion présente dans notre interprétation, positionnement.

    Pour cette étape il faut se munir d’autant de photographies que de participants. Les outils ici seront l’écrit ainsi que les photographies représentants des scènes variées pouvant se retrouver dans divers médias tels que la presse écrite ou la presse télévisée.

    Il s’agira de demander aux participants de choisir une photographie et d’interpréter la scène, l’enjeu, et l’émotion qui prédomine selon son point de vue. Il faudra donner un temps de parole à chacun, favoriser un climat d’écoute des autres, et valoriser l’expression de ses émotions, impressions.

    Les objectifs généraux de cette étape seront de prendre conscience de l’orientation de notre regard en vue de notre orientation interprétative. C’est-à-dire, être capable d’identifier son émotion, et de comprendre son rôle causal dans le traitement de l’image.

    Les consignes (à donner au fur et à mesure) :

    1. Choisir une image.
    2. Préparer de manière individuelle en quelques lignes : ce que me procure cette image, de quel journal pourrait-elle venir, que montre-t-elle. Quelle pourrait être l’information. Quelle opinion j’en ai au premier regard.
    3. Échanger dans un climat d’écoute ces interprétations avec le groupe.
    4. L’éducateur ajoutera que les médias orientent, souhaitent des émotions. Les émotions n’apparaissent pas par hasard, elles sont suscitées pour éveiller chez les récepteurs de l’information, une orientation, un avis qui dans l’idéal du média sont prédéfinis.
     

    Le positionnement de l’éducateur : L’éducateur prendra soin de susciter le dialogue, l’échange, la discussion, l’expression de soi.

     


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  • Étape 2 : Apprendre à questionner la « re-présentation » .

    Les outils ici, seront l’écrit ainsi que des articles, photos et titres initialement associés mais qui, pour les besoins de l’atelier, seront séparés les uns des autres, puis mélangés.

    Selon l’association faite d’une photo, d’un titre et d’un article, la RE-PRESENTATION que se fait le lecteur peut radicalement changer.

    Ainsi pour en faire prendre conscience aux participants, il s’agira de proposer de remettre les titres avec les articles et les photos correspondants, d’en faire une combinaison qui nous semble juste. Ce travail peut se faire aussi bien en groupe que de manière individuelle.

    Cependant, il s’agira par la suite de se réunir et de discuter du pourquoi avoir choisi tel assortiment, qu’est-ce qu’il suscite en moi comme émotion, avis, orientation, opinion, idées. Lorsque tout le monde a pu s’exprimer il appartiendra à l’éducateur d’amener l’idée que l’association des trois éléments sera « une possibilité parmi d’autres », ainsi l’éducateur pourra mettre l’accent sur la diversité d’interprétations possibles selon la combinaison choisie.

    L’objectif général de cette étape est que la personne puisse prendre conscience de l’importance de la combinaison article-titre-image dans l’interprétation d’une information.
     

    Les consignes (à donner au fur et à mesure) :

    1. Les participants découvrent les documents prédécoupés (corps de l’article, titres et illustrations), les manipulent, les observent, s’en imprègnent.
    2. En groupe, ils vont devoir retrouver les combinaisons, chacune constituée d’un corps d’article, d’une illustration et d’un titre. Ces assemblages doivent se faire de manière coopérative, animés par des discutions, des échanges.
    3. Lorsque le résultat semble convenir à tout le monde, les participants reprennent chacun leur tour une combinaison et l’explique, tout en ouvrant le débat.
    4. L’éducateur amorce l’idée qu’il n’y a pas de réponses justes mais toutes combinaisons est possibles et explique le principe d’interprétation différentes de l’information selon qu’elle est agrémentée de telle photo ou annoncée avec tel titre.
     

    Le positionnement de l’éducateur : L’éducateur prendra soin de susciter le dialogue, l’échange, la discussion, l’expression de soi.


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  • Étape 3 : Position et direction. Apprendre à questionner la source.

    Les outils ici seront l’écrit ainsi que la visualisation de différents articles de presse, journaux, magazine.

    Il s’agira d’amener les participants à se questionner sur l’orientation politique des différents journaux et sur les conséquences que cela peut avoir sur les informations diffusées. En effet, selon, la société qui produit le média donc l’information, une même information pourra être relayée différemment avec une variation de ton, de point de vue, d’approche.

    Ainsi, lors de cet atelier, les participants sont invités à choisir parmi différents titres d’articles, ceux-ci constitueront une base sur laquelle ils pourront écrire, par groupe, un article, selon une orientation politique particulière. Lorsqu’ils auront terminé, ils pourront partager oralement leur expérience, le choix des mots, ce qu’ils ont eu envie de privilégier comme information et la façon qu’ils ont eu de l’exprimer.

    L’objectif de l’atelier est d’être capable de se questionner sur la différence dans la relégation de l’information selon si le détenteur du média est d’un parti politique particulier ou s’il souhaite avoir une portée politique ou non.

    Les consignes (à donner au fur et à mesure) :

    1. Les participants forment des groupes de deux, selon leur envie (il est possible de travailler seul).
    2. Ils choisissent un titre qui orientera le thème de leur travail ainsi qu’une affiliation politique (qui peut être fictive).
    3. Ils écrivent un article (maximum deux paragraphes) sur le thème choisi et en tenant compte de l’orientation politique.
    4. Ils échangent en groupe sur les difficultés, leur expérience d’écriture ainsi que sur les mots choisis, leur façon d’exprimer leurs idées et sur les informations qu’ils ont choisies de privilégier.

    Positionnement de l’éducateur : L’éducateur prendra soin de susciter le dialogue, l’échange, la discussion, l’expression de soi.

    Pour conclure l’intervention d'éducation aux médias, l’éducateur rassemble toutes les étapes et rappelle les enjeux. Il synthétisera les difficultés rencontrées dans l’atelier et mettra en avant l’importance de mettre de la distance et d’user d’esprit critique, de se questionner sur la portée des messages médiatiques, les intentions si l’on souhaite être actif et non passif dans le traitement de l’information.


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    Voici un outil d'éducation aux médias élaboré par une chaine de télévision suisse (TSR) à travers le magazine Magellan .

     

    Cet outil a la forme d'une séquence vidéo que Cécile Desbois, rédactrice spécialisée en jeunesse et pédagogie a choisi d'étudier dans son intervention d'éducation aux médias destiné à des enfants de minimum 12 ans dont le thème est "le spectacle de l'information"

     

     

    Le spectacle de l'information

    " Le magazine éducatif suisse, Magellan a consacré plusieurs numéros aux télévisions du monde. Cette émission se penche plus particulièrement sur le traitement de l’information à la télévision, une information parfois malmenée, mise en scène voire pervertie à cause, entre autres, de la course à l’audience.
    Invités : Claude Torracinta, producteur de l’émission d’information Temps présent (TSR). "

    Le lien de la vidéo  ==> ici

    Cécile Desbois, rédactrice spécialisée en jeunesse et pédagogie a sur base de cette vidéos élaboré une intervention d'éducation aux médias.

    1) Rappel des éléments de la vidéos

    - Reportage 1 (8'00")Un JT revu et corrigé.

    Le sujet s’ouvre sur le lancement d’un journal télévisé annonçant un atterrissage en catastrophe à l’aéroport de Genève. Alors que le reportage s’achève, le présentateur fait une étrange digression et propose de regarder un second document, consacré au même événement, mais sur un mode différent, moins informatif, plus sensationnaliste. Un documentaire éclairant sur le traitement de l’information et ses enjeux.
    En plateau (4'00) : discussion autour de l’information spectacle et réflexion sur la place de la vidéo amateur dans le système de l’information.


    - Reportage 2 (8'00") – Reality show.

    Au Canada, Martin – « patrouilleur » pour une chaîne télévisée – court après les accidents et autres faits divers, et filme tout… au nom de l’intérêt des téléspectateurs.
    En plateau (2'20") : discussion autour du retournement - dangereux - de la hiérarchisation de l’information.

    - Reportage 3 (7'00") – Question de limites.

    Toutes les images sont-elles bonnes à montrer ?

    Deux récits d’expériences : celle d’Hervé Chabalier, directeur de l’agence CAPA qui refusa de vendre « une mort en direct » et celle de la catastrophe du stade du Heysel (Belgique) filmée par la TSR.

    En plateau (1'40") : De l’importance de toujours remettre une information en perspective.

    - La rubrique Internet (2'30") : sur le web, le robinet de l’information est-il dangereux ?

    Les objectifs de l'intervention :

    - Développer un regard analytique et critique sur l’information télévisée
    - Mettre en évidence l’angle de traitement d’un reportage
    - Déterminer le rôle de l’image dans un reportage
    - Produire un reportage qui met en exergue le rôle du traitement de l’information

    Les pistes pédagogiques :

    1) ANALYSE DE SEQUENCES

    ==> Un JT revu et corrigé (reportage 1) 

    - Lever les éventuelles ambiguïtés : Ce JT a-t-il été diffusé ? De quel événement parle-t-il (le faire émerger avec les fameuses cinq questions de base : qui, quand, quoi, où, pourquoi) ? Celui-ci a-t-il vraiment eu lieu ? 

    - Faire résumer rapidement le but du document. A priori, les élèves voient-ils des différences entre les deux reportages traités ? Lesquelles ? 

    - Répartir les élèves en deux groupes pour analyser séparément les deux reportages. Chacun groupe visionne de nouveau sa séquence et remplit la fiche élève proposée en annexe. 

    - Mise en commun du travail et comparaison des résultats. Insister sur l’organisation des lancements, le rôle respectif des images et du commentaire, les partis pris du montage et le rôle joué par le film tourné par un témoin. 

    - Conclusion : sur quoi joue le second reportage ? Amener les élèves à parler d’émotions, puis de dramatisation. Définir ce qu’est le traitement de l’information et trouver les termes pour qualifier celui de chaque reportage (informatif / sensationnaliste).

    Et pour prolonger... :

    - Quand les élèves ont-ils compris que tout n’était que mise en scène ? Qu’ont-ils ressenti à ce moment ?

    - Quel angle ce documentaire a-t-il lui même choisi ? Est-on dans le registre informatif ou démonstratif ?

    - Analyser la réflexion de Claude Torracinta sur la place de la vidéo amateur dans l’information. Les élèves auraient-ils, eux, diffusé le film en question ? Apporte-t-il une information complémentaire ?

    ==> Reality show (reportage 2)

    - Aux Etats-Unis, comment appelle-t-on les cameramen spécialistes des faits divers ? Expliquer que souvent, ces stringers agissent seuls et tentent ensuite de vendre leurs images aux chaînes télévisées1.

    - Définir le métier de Martin : à quoi renvoie le mot « patrouilleur » ou d’autres termes comme « affût » ? Comment se tient-il informé des événements ? Martin est-il un cameraman ou un chasseur d'images ?

    - Quelle est la devise de TVA pour qui il travaille ? Analyser les deux termes : « en direct » (l’opposer à la notion de recul et de réflexion) et « nouvelle » (toute nouvelle est-elle information ?)

    - Au tableau, recenser les sujets couverts par le cameraman. Que mettent-ils en scène et en jeu ? Amener les élèves à les qualifier de "faits divers".

    - Revenir sur le dernier fait : l’incendie en banlieue. En quoi cet événement est-il important selon le journaliste ? Comparer sa réponse aux images filmées, questions posées et à l’identité des personnes interviewées. Dans quel registre se situe-t-on : celui de l’information ou de l’émotion ?

    - Analyser la réaction de Claude Torracinta :
    Que dénonce-t-il ? En quoi la course aux images malmène-t-elle l’information ? Selon Claude Torracinta, quand un fait divers mérite-t-il d’être relaté ? Qu’en pensent les élèves ?

    ==> Question de limites (reportage et plateau 3)

    - Résumer les deux événements relatés (apporter éventuellement des compléments d’information sur le conflit yougoslave2 et la catastrophe du Heysel3). Quels points communs partagent-ils ?

    - Analyser et comparer les images ramenées par le cameraman de l’agence CAPA et celui de la TSR : que (ne) voit-on (pas) ? Qu’entend-on ? Comment les images sont-elles filmées ?

    - Confronter l’attitude de l’agence CAPA à l’explication de Claude Torracinta concernant les images diffusées du Heysel. Quand la TSR les a-t-elle diffusées ? Dans quel cadre ?

    - Débat : toute image peut-elle être montrée ? Les élèves ont-il déjà eu sous les yeux des images télévisées qu’ils auraient préféré de ne pas voir ? Faire le rapprochement avec d’autres images : celles de victimes de guerres, de catastrophes naturelles, etc.

    Conclusion générale : garder l’oeil !

    Prendre du recul sur les reportages proposés, en attirant par exemple l’attention des élèves sur deux points :

    - Dans le dernier reportage, pourquoi le journaliste est-il filmé sur le toit de la tour TSR ? Montrer que l’image joue ici un rôle crucial : appuyer (prouver ?) l’argumentaire que développe à l’oral le journaliste.

    - Insister sur le fait que les différents reportages ne se privent pas de montrer les images critiquées (morts du Heysel, cadavres filmés par le « patrouilleur »…). Pourquoi ce choix ? Est-ce utile ? Indispensable ?

     



    1 A ce sujet, lire le court mais éclairant article du journaliste Yves Eude : http://jeanpaul.jody.free.fr/stringer/monde.html

    2 Un résumé sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_en_ex-Yougoslavie

    3 Sur le Heysel, consulter sur la TSR : http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=342401&sid=5770698&cKey=1115733570000


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